Après avoir laissé parler une brochette de directeurs de course ayant pignon sur rue, et avant de donner la parole à d'autres acteurs majeurs des compétitions sur circuit, c'est un avis 'maison', celui de Speed Action qu'on vous sert ce lundi matin. Ayant eu la chance d'oeuvrer comme speaker officiel de Spa Summer Classic ce week-end, votre serviteur a quitté le Circuit de Spa-Francorchamps tant aimé avec une impression douce amère, voire de la colère.
Ce meeting historique signé Roadbook était très intéressant à plusieurs titres. Il regorgeait ainsi de courses sprints, dont la durée variait de 20 à 40 minutes. Et comme le veut une certaine tradition dans les compétitions historiques, le niveau de pilotage était 'variable'. Ajoutez à cela une météo plutôt délicate dimanche, et vous obtenez une bonne manière de juger l'état de la situation au sujet des deux thèmes incontournables du moment : les 'Track Limits' et les bacs à graviers.
Et le bilan est tout simplement... catastrophique ! Très rares ont en effet été les courses se déroulant de manière fluide. Trop souvent, les neutralisations ont succédé aux neutralisations, avec des joutes se réduisant à quelques malheureuses minutes sous régime de drapeau vert. Bref, à peau de chagrin. Et les pénalités pour dépassements répétés des limites de la piste ont été innombrables. Dans le cas de l'épreuve réunissant une soixantaine de Caterham britanniques et portugaises, c'était même le carnage absolu !
P... de bacs !
Attaquons ce tour d'horizon par ces bacs à graviers destinés à séduire le milieu de la moto... Leur omniprésence a tout simplement pour conséquence que des bolides vont s'y vautrer toutes les cinq minutes, entraînant un nombre ahurissant d'interventions des braves commissaires de piste qui vont passer le cap de la mi-saison à bout de force. Et pour que ces braves et courageux commissaires puissent intervenir en toute sécurité (moindre des choses !), les neutralisations n'en finissent pas de saucissonner les courses !
De source on ne peut plus sûre, la Safety Car du Circuit de Spa-Francorchamps a effectué ce week-end par moins de... 63 tours, soit 441,9 kilomètres ! Et avec les petits cailloux recouvrant en permanence la piste, elle a fini avec le pare-brise pété ! On peut sortir tous les contre-arguments du monde, ces chiffres ne peuvent laisser indifférents !
Cette rafale de neutralisations a bien sûr empêché d'innombrables concurrents de mener leurs sprints à bien, les ultimes relances... à quelques dizaines de mètres du drapeau à damier ne faisant rire personne.
Une aimable plaisanterie
Quant aux Track Limits, s'ils sont provoqués par des pilotes prenant un malin plaisir (?) à ne pas respecter les limites de la piste, la configuration du Circuit peut clairement être qualifié d'incitant. Avec sa largeur digne d'un terrain de football, le haut du Raidillon s'impose comme une invitation presque naturelle à privilégier des trajectoires parfois très éloignées des lignes blanches. D'aucuns rétorqueront que la faute incombe aux pilotes, et c'est la vérité ! Mais dès l'instant où la moindre course entraîne des... dizaines, voire des centaines de rapports de commissaires, faut-il juste constater la chose, ou un début de réflexion en profondeur est-il envisageable ?
Concernant Blanchimont et la sortie de la Chicane Bus Stop, le constat est le même, la 'bonne volonté' des pilotes étant encore amplifiée par l'envie de ne surtout pas perdre de temps dans la toute dernière partie d'un tour de qualif ou de course. 4, 17 et 19 sont donc devenus les numéros en vogue sur le Circuit de Spa-Francorchamps ! Hélas...
Les Directeurs de Course, ces dindons !
En dressant ce constat peu emballant, loin de nous l'idée de fustiger les Directeurs de Course ayant 'sévi' ce week-end et les précédents. Bien au contraire ! Leur ouverture et leur disponibilité à parler de ces sujets sont tout à leur honneur, et tous regrettent l'évolution du 'job', qui consiste désormais, et avant toute autre chose, à gérer les Track Limits ! Frustrant, car l'ampleur de la tâche est telle qu'elle en vient à impacter tout le reste.
Quant à l'envoi en piste répété des Safety Cars, il est hélas incontournable. La tentation est grande, à certains moments, de laisser une auto au fond d'un bac, sans neutraliser. Il faut savoir que le règlement sportif l'interdit, et que si par hasard, on se dit que le risque en vaut la peine quelques petites minutes durant, on ne voudrait pas être à la place du même Directeur de Course en cas de 'suraccident'...
Messieurs, sachez que vous avez tout notre respect... Et que ces derniers temps, il vaut mieux être un speaker frustré qu'un Directeur de Course débordé !
Réapprendre aux pilotes... à piloter
On l'a dit, les Track Limits et les bacs à graviers sont causés par des pilotes qui se loupent, sciemment ou non. En fait, avec le retour des bacs à graviers sur Francorchamps, il est clair que lesdits pilotes vont devoir revoir leur copie et adopter un pilotage flirtant moins avec les limites. De la piste ou de la raison.
En voilà un très vaste débat, qui risque de prendre beaucoup de temps avant que les résultats se fassent ressentir. Difficile en effet de se retenir quand on joue la gagne, et que plusieurs années durant, tout écart de trajectoire n'avait pour d'autre conséquence qu'un passage dans une échappatoire asphaltée.
En fait, cela équivaut à demander à des gosses dans une cour de récréation de cesser d'hurler et de courir partout. Même pas la peine d'y penser...
C'est quand qu'on va où ?
Au bout de cette tirade, que pouvons-nous espérer ? Il est clair que le Circuit de Spa-Francorchamps ne va pas décider de défaire tout ce qui a été fait durant l'hiver. Il n'empêche, des trucs comme le bac à graviers à la sortie de la Source méritent qu'on s'y attarde. Dès l'instant où il s'agit d'une courbe très lente, où les contacts sont nombreux, surtout lors du départ des courses, quel est l'intérêt à positionner cette vaste étendue de gravillons aussi près du vibreur ? Hier, lors de la Course 2 de la Belcar Historic Cup, une Volvo 240 Turbo (pas celle de Fred Bouvy...) s'y est lamentablement vautrée jusqu'à l'essieu ! De quoi amputer la joute d'une dizaine de minutes. Quelques instants après la relance, c'est une valeureuse Peugeot 106 qui se perdait du côté du Pif-Paf. Re-neutralisation, et course une fois encore décapitée.
Si Speed Action est un média sport auto, votre serviteur plumitif et bavard n'a rien contre la moto. Si ce n'est que certaines pistes conviennent à un usage mixte (auto et moto), et d'autres moins ! Spa-Francorchamps fait partie de ces tracés qui demandent trop de modifications et de contraintes pour permettre le bon déroulement de courses internationales sur deux roues... tout en préservant le déroulement de celles sur quatre roues.
En un mot comme en cent, cela ne marche pas ! Le succès populaire des 24 Heures Motos est à saluer, mais pour le reste, en dehors de Track-Days, des Bikers'Classics et des 6 Heures Moto chères à DG Sport, la moto reste largement minoritaire à Francorchamps. Certains rêvent, comme d'autres avant eux, d'un passage du MotoGP sur 'le plus beau circuit du monde'. Nous n'y croyons tout simplement pas ! Dès lors, pourquoi tout compromettre ? Pourquoi foutre autant le bordel dans les courses sur quatre roues qui constituent la majeure partie du calendrier ?
Question de respect
Et puis, au bout du compte, il est une fois encore question de respect des gens. A commencer par le public, qui assiste à des courses sprints amputées de la moitié de leurs tours (au minimum...), et qui voient défiler sur les podiums des pilotes n'étant pas souvent ceux qui ont franchi en premier le drapeau à damier. Mais quand on additionne les pénalités accumulées par certains, on obtient une hiérarchie largement bousculée...
Ou alors, on fait comme ce promoteur portugais, qui a fièrement remis à un de ses pilotes de Caterham une coupe de 2ème de catégorie... alors que celui-ci avait pris six ou sept fois 30 secondes de pénalité pour dépassement à répétition des limites de la piste ! En gros, ce promoteur a décidé de faire appliquer sa propre loi, et donc de 'snober' les décisions d'une Direction de Course qui, dans ce cas, n'a plus qu'à aller enfiler les bières à la Pit !
Vous l'avez compris, le Francorchamps de 2022 ne nous plait pas. Ce qui constitue un véritable crève-coeur. Et au moment où des contrats importants, et même essentiels en vue du futur, doivent se négocier, ces sources d'énervement tombent mal... (Vincent Franssen / Photo PhotoClassicRacing - J.M. Biadatti)