Suite de notre important dossier sur les thèmes apparemment très porteurs des ‘Track Limits’ et des bacs à graviers sur ‘notre’ Circuit de Spa-Francorchamps. Cette fois, c’est Alain Adam, Directeur de Course du GT World Challenge Europe, et donc des TotalEnergies 24 Hours of Spa, qui prend la parole pour décrire le dispositif qui sera mis en place afin que le double tour d’horloge des Ardennes soit aussi une réussite sportive…
Avant de parler des 24 Heures proprement dites, Alain Adam tient à revenir sur les Test-Days organisés la semaine dernière, et qui ont fait couler beaucoup d’encre, avec un festival de bolides largement au-delà des limites de la piste, des entames de bacs à graviers qui se creusent, des cailloux qui volent et cassent, etc. "Je tiens avant tout à préciser que ces Test-Days ont été gérés par le Circuit de Spa-Francorchamps, et qu’il n’y a tout simplement pas eu de gestion sportive, explique Alain Adam. Traduisez : aucune pénalité pour dépassement des limites de la piste n’était à l’ordre du jour, ce qui a incité bien des pilotes à ne rien respecter. Par ailleurs, lors de ces journées d’essais, des teams testent des pilotes candidats à un volant aux 24 Heures. Et ces pilotes ont tendance à donner le maximum, afin d’impressionner la galerie. Ce sont d’ailleurs souvent ces concurrents qu’on retrouve dans les bacs à graviers. Quant à la problématique des crevaisons, je pense qu’elle va rapidement s’atténuer. Une équipe qui est contrainte de repasser par la pitlane après une crevaison dira forcément à son pilote de ne plus flirter avec le bac… Mais je le répète, les règles qui seront en vigueur aux TotalEnergies 24 Hours of Spa n’étaient clairement pas d’application ici…"
Un dispositif exceptionnel
Et ces règles, quelles seront-elles ? "Chaque année se pose le problème des Track Limits lors des 24 Heures de Spa, poursuit le Directeur de Course. Ce qui a incité SRO à déployer un dispositif qu’il convient de qualifier d’exceptionnel pour cette édition. En effet, aux endroits particulièrement sensibles, soit les virages 3 & 4 (Raidillon), 17 (Blanchimont) et 19 (Chicane), une équipe de deux personnes de SRO sera présente en permanence, afin de relever tous les dépassements des limites de piste. Ces personnes seront situées dans un axe différent des postes de commissaires, afin de garantir une autre vue et une plus grande équité. Au sein de la Direction de Course, deux équipes de trois personnes vont se relayer en permanence, et elles s’occuperont uniquement de la gestion des ‘Track Limits’, avec une fréquence radio dédiée. Et les décisions seront affichées quasi instantanément sur les moniteurs de classement, afin que les teams soient bien au courant de la situation. Pour le reste, les règles FIA seront appliquées, avec des annonces après les premiers ‘Track Limits’, puis les ‘Warning Flags’, et enfin les Drive Through. Au final, on en arrive à avoir des Directions de Course réunissant sept Directeurs de niveau FIA ! Pour gérer une seule course d’endurance… Quant aux commissaires de piste, on va en ajouter dans les virages les plus concernés par les sorties dans les bacs à graviers."
Le Circuit est au courant !
S’il est un domaine où Alain Adam avoue son incapacité à trouver des solutions, c’est la projection des cailloux qui se retrouvent sur la piste après le passage des bolides à travers les bacs à graviers. "Là, je ne peux rien faire ! Comment les choses vont-elles se passer à ce niveau ? On n’en sait rien… Par contre, quand je lis qu’au 6 Heures FIA WEC et aux 12 Heures Creventic, en début de saison, tout s’est bien passé, je tiens à préciser que dans les deux cas, un rapport de trois pages a été transmis, avec les choses à repenser. Et les ornières à l’entame des bacs à graviers y figuraient déjà ! Preuve que le problème a aussi été relevé lors de ces courses."
Ce qui nous amène à la responsabilité des pilotes… "Ils doivent être en mesure de maîtriser leurs véhicules… mais un pilote n’est pas un autre pilote. On peut comparer à une famille. Un gosse n’est pas l’autre, et si certains peuvent faire preuve de raison, d’autres sont enclins de faire des choses que les parents leur demandent de ne pas faire. Cela a toujours été ainsi… Est-ce toujours la faute des parents quand la situation dérape ? Je ne le pense pas…"
Ce qui est certain, par contre, c’est que cette gestion des Track Limits use les organismes… "Ce combat permanent est l’une des choses qui me fera arrêter cette fonction de Directeur de Course !", clame Alain Adam. Parfaitement relayé par d’autres Directeurs de Course, d’ailleurs.
Modifier la trajectoire au sommet du Raidillon !
Ultime thème abordé, celui du Raidillon, où l’avis du responsable de la gestion sportive des TotalEnergies 24 Hours of Spa diffère de celui de nombreux collègues… "Pour moi, la situation actuelle est un non-sens ! Je suis d’avis de modifier le tracé de la piste, en déplaçant les vibreurs et les lignes blanches, afin que les pilotes puissent aller tout-droit au sommet ! Pour l’heure, quand ils tirent tout-droit, passant à gauche du vibreur, hors des limites de la piste, ils sont fautifs. Si on corrige le haut du Raidillon, il n’y aura tout simplement plus de Track Limits, le problème sera résolu ! Je sais que cet avis ne sera pas accepté et partagé par tous, mais on est tout de même en 2022. Le temps où on mettait du sang sur la piste est révolu. Par contre à Blanchimont et à la Chicane, il y a des choses à faire, c’est clair… Vous savez, aux TotalEnergies 24 Hours of Spa, 40 voitures de type GT3 tournent dans la même seconde. Si on ne pénalise pas directement les Track Limits, on peut tout simplement fausser la course…"
Voilà, comme on peut le constater, Alain Adam ne se cache pas derrière un paravent. Ce qu’il souhaite avant tout, c’est rendre au job de Directeur de Course son vrai rôle de gestionnaire sportif. Ce qui ne signifie pas gérer et distribuer des centaines de pénalités au cours d’un week-end. (Vincent Franssen)