Un octuple champion du monde des rallyes puni pour avoir ouvertement critiqué un organisateur ayant décidé de ne pas tenir compte de l'importance de la poussière pouvant gêner les concurrents sur des spéciales sur terre, un triple champion du monde de Formule 1 montré du doigt pour avoir osé utiliser le mot 'fucked' lors d'une interview, un Président de la Fédération Internationale de l'Automobile qui a décidé de laver plus blanc que blanc en mettant illico presto de l'ordre dans les liaisons radio entre les pilotes et leurs équipes pendant les courses, décidément, l'heure n'est plus à la liberté de parole sur le front du sport automobile.
Sur le fond, on peut comprendre la démarche de la FIA, qui vise à garder son église au milieu du village et à donner le bon exemple aux jeunes générations en préservant leurs frêles oreilles d'un langage inapproprié.
Mais... Car il y évidemment un 'mais'... Quand ce même Président de la FIA estime que les pilotes n'ont pas à parler comme des rappeurs, son discours est-il vraiment plus approprié ? A peine avait-il achevé ces phrases, pour nous malheureuses, que Lewis Hamilton s'empressait de crier à l'atteinte raciale ! On rappellera à l'auteur de ces paroles que lesdits rappeurs sont légion dans le paddock de la F1, et au moment où se profilent quelques Grands Prix 'people', l'un ou l'autre poète des temps modernes pourrait l'alpinguer entre deux séances pour lui expliquer que la musique très largement diffusée lors des Grands Prix de F1 à la sauce Liberty Media est parfois aussi l'oeuvre de personnes qui méritent le respect, quel que soit leur niveau de langage. Qu'on apprécie ou non l'oeuvre en question.
Par ailleurs, un pilote qui déboule à un TRC ou qui est en pleine bourre au volant de son bolide peut-il réellement mesurer ses propos ? Des 'fuck', 'fucking' ou 'fucked', chacun en use et en abuse au quotidien. Et que celui qui ne se sent pas concerné lance la première pierre... Peut-on dès lors réellement en vouloir à des gaillards de la jeune génération d'user dans leur métier du langage dont ils usent dans la vie de tous les jours ? Le Président de la FIA a-t-il déjà entendu un ado hurlant dans un micro face à l'écran d'une console ? On lui souhaite bonne chance, mais autant espérer qu'un Conor McGregor conserve son calme en toutes circonstances dès l'instant où il monte sur un ring...
Enfin, le sport auto mondial et ses instances dirigeantes n'oublient-ils pas que si la F1, pour ne citer que cet exemple très parlant, a atteint un tel niveau de popularité, inégalé depuis sa création, c'est notamment par la grâce des réseaux sociaux, qui constituent dans le même temps le pire déversoir ou cloaque de saloperies et de commentaires immondes depuis la création du monde ?
Il est dès lors louable de faire en sorte que la situation n'échappe pas à tout contrôle - sans pour autant exercer une censure totale qui est tout simplement irréalisable - mais à tenter de faire mieux que bien et à vouloir que les pilotes et les membres des teams s'imposent désormais en exemples du code civil, il y a une fameuse marge. La FIA et Liberty Media ont tout mis en oeuvre pour que les stars d'aujourd'hui jouissent d'une énorme influence sur un public de leur génération, à quoi bon dès lors aller au clash avec ces mêmes stars, qui auront toujours le soutien des fans, et donc le dernier mot ?
Bref, avoir la volonté de réguler tout à tout prix en sport auto, c'est risquer la tempête... dans un verre d'eau ! Inutile. Ce n'est en tout cas pas de cette façon qu'on aura l'impression que les pilotes échangent de franches et sincères poignées de main avec le Président de la FIA à leur descente de voiture... (Vincent Franssen / Photo Fred Vautier)